Tuerie Beuverie Tripaille et Tradition

Un matin après une nuit de pluie, le vol soyeux d’un corbeau attira mon attention. Je devinais l’ombre du passereau noir poursuivant sa proie dans la brume évanescente. A mon grand regret, l’atmosphère enchantée de cette prairie nimbée par la lumière du soleil levant allait être le théâtre d’un acte où la réalité vous frappe, où la poésie s’efface…

Les croassements de l’innocent corbeau n’étaient plus qu’un souvenir amer, ses tueurs l’ont anéantit à la chevrotine et se sont mis à ricaner comme des marauds dès la chute de l’oiseau ensanglanté. Qu’est-ce-qui était le plus révoltant ? Voir ce bel oiseau mourir bêtement par l’idiotie cosmique de ces deux chasseurs, ou bien l’irréversibilité de cette absurde situation. Les réponses sont bien sûr liées, et je vais délaisser un temps la philosophie pour me pencher sur le cas des chasseurs.

En premier lieu, le corbeau a hélas subit la pulsion primitive distinguant la confrérie des chasseurs, certainement la classe inférieure, celle qui délaisse le foyer familial de bon matin pour casser la croûte entre copains en buvant quelques verres de l’amitié avant de partir armés dans la campagne. Cette plèbe en tenue de commando s’amusera à tirer ses cartouches sur des animaux soit disant nuisibles comme notre charognard ou sur du gibier autorisé par la préfecture. Si ce n’était pas notre oiseau, un panneau de signalisation aurait pu servir de défouloir.

Nous avons ensuite les chasseurs qui se considèrent responsables et écolos. Ces spécimens se rendent sur site en 4X4 et prétendent « prélever » le gibier. Ils n’oublient jamais de ramasser leurs douilles après leurs passages ! Ils voient en la chasse un moyen de tisser des liens, d’être en authentique fusion avec la nature.

Il ne faut pas oublier les chasseurs de classe supérieure, les riches qui veulent se différencier en arborant une peau de tigre dans leur bureau. Ils sont en quête du tableau de chasse, d’une boucherie cinq étoiles avec avion en première classe qui servira de sujet de discussion lors de dîners en ville. Ces collectionneurs chassent les grands fauves ou le beau gibier, ils se payent le trophée exclusif. Nos scélérats opulents sont souvent nantis de carabines à jumelle très sophistiquée pour ne laisser aucune chance à la bête. Avec leurs armes de sniper dégommant un moucheron à cent mètres, ils pourront ainsi retracer des tueries dantesques où leurs vies étaient en grand danger.

Image flottante


Pour terminer la hiérarchie, nous avons ceux qui considèrent la chasse comme une forme d’art. Une chasse noble qui se pratique à cheval avec une horde de chiens dressés. Le gibier est épuisé à la suite d’une traque interminable, puis il se voit mourir par les morsures des chiens élevés à l’odeur du sang avant d’être piqué par un serf costumé pour rappeler la tradition. Ceci résume la vénerie et la chasse à courre, du grand spectacle cynégétique.

Ce serait se rabaisser au niveau des tireurs du dimanche que de nier l’essence de la chasse, la réalité de la prédation dans la nature. Celle-ci est tout à fait rationnelle si on l’observe en tant que « lutte pour l’existence ». On ne peut reprocher aux lionnes de chasser les gazelles, ni les peuples tribaux de tuer des animaux pour se nourrir.

Dans nos contrées « développées » la chasse est devenue un loisir mélangeant toutes les catégories sociales et elle s’auto-justifie d’un intérêt économique et bizarrement écologique. Comme toutes les communautés lobbyistes, les chasseurs se sont organisés, ils se sont fédérés, ils s’impliquent dans la politique pour faire valoir leur plaisir d’assassiner au nom de la tradition et de l’utilité générale. Notre société entretient l’excitation que procure la traque et autorise un exutoire rapportant de l’argent à l’état et à l’industrie du saccage. Suivant ce schéma valable pour d’autres sujets, l’homme est dépendant de ses vices.

Je dénonce donc les chasseurs car ils ne respectent pas la vie, ils détruisent la biodiversité et abattent les derniers prédateurs naturels qui leurs font concurrences, ils avilissent l’homme à ce qu’il a de bestial. D’anciennes civilisations sacrifiaient des vierges en les égorgeant ou en les brûlant sur un autel pour faire offrande, les romains jetaient les illuminés aux lions affamés, à preuve du contraire ces pratiques se sont éteintes. Même si des nations entières veulent toujours se liquider, certains peuples ont eu le courage d’abolir la peine de mort, il est temps d’en faire autant pour la chasse : ce prétendu loisir qui entache de sang la faculté distinctive de l’homme.

J’espère un âge où la chasse tombera en désuétude et ne sera plus qu’un mythe barbare.

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Le 17 dec 2009

Arnaud Gainville

Bibliographie : L’origine des espèces, Charles Darwin